Après le décès de Dom Helder, un graphologue émérite parisien a été sollicité et a amicalement accepté de tenter une analyse de son écriture. Il ne connaissait rien de l’auteur ni des correspondances privées – de 1970 à 1985 - qui lui ont été confiées. Qui a bien connu Dom Helder peut témoigner que les perceptions du graphologue sont d’une justesse saisissante.
"Impression générale d’un bouillonnement d’idées et d’action d’un homme toujours pressé par le temps, dont le rythme de l’écriture n’arrive pas à suivre le rythme de la pensée. Il est pourtant probable que l’écriture est nécessaire à cet homme pour fixer tout ce qu’il pense, ressent, organise, a besoin d’exprimer, comme s’il avait peur de perdre en route ou d’oublier tout ce qui lui vient à l’esprit.
Son authenticité ressort en premier lieu ; il ne triche pas, n’est ni formaliste ni conventionnel, plus soucieux d’ « être » que de paraître. C’est un fonceur, hyperactif, généreux de son temps, de sa disponibilité autant que de ses forces ; mais il n’agit pas sans réflexion. Aucun égocentrisme ni égoïsme chez lui ; il vit avec les autres, pour les causes qu’il défend, pour sa mission.
Il peut être ressenti comme envahissant, en ce sens qu’il demande et attend probablement beaucoup de ses amis et collaborateurs. Sa forte ténacité le rend insistant et dérangeant, mais il est fidèle en amitié.
C’est un affectif, un passionné, un homme de cœur et de générosité dont les sentiments sont trop forts pour ne pas interférer dans ses prises de position et ses jugements. Diplomate ? Pas tellement ; mais capable de convaincre car il a une empathie, sait communiquer, croit en ce qu’il dit et en ce qu’il fait. Il est courageux, voire téméraire quand il a une cause à défendre. Il est aussi calculateur…
Peut-être mystique ? Sûrement sincère dans ses convictions. Jeune d’esprit et de caractère, avec une sorte de naïveté « boy scout » qui lui permet d’occulter les dangers. Et en même temps très « dans la vie », le concret, le présent, proche du terrain et des hommes. Poète sans être rêveur, car c’est un homme d’action qui vit dans le concret.
Hypersensible, il peut avoir des réactions vives. Mélange de tolérance et d’indignation quand ses sentiments l’emportent. Un contrôle cependant ; il sait maîtriser sa conduite et son discours quand il en ressent l’utilité.
C’est un homme très intelligent, au sens vivacité d’esprit, curiosité de connaître, de découvrir, d’apprendre. Disponible aux idées nouvelles – qui peuvent aussi l’irriter si elles ne correspondent pas à « son éthique ». Doué d’imagination créatrice et très probablement cultivé sans être un intellectuel.
Il analyse bien, est observateur du détail, dispose d’un sens critique vif qu’il peut employer pour étayer ses arguments. Déroutant peut-être dans sa forme de raisonnement qui n’est pas celle d’un intellectuel « cartésien ». Il a certainement du mal à entrer dans des « systèmes », des idéologies théoriques, des dogmes ( ?). A sa façon, c’est un rebelle, indépendant de caractère et d’idée ; sachant s’imposer une discipline personnelle mieux qu’accepter celle qu’on voudrait lui imposer. Capable de se révolter, de s’insurger si une hiérarchie ou les règles d’une société exigent de lui une soumission à des lois qu’il n’approuve pas. Ceci plus par honnêteté intellectuelle que par orgueil personnel. Il est volontaire et persévérant quand ses décisions sont prises, ce qui n’est pas toujours facile pour lui.
En effet, en deçà de ce côté convaincu, engagé, courageux, actif et passionné, on découvre aussi chez lui un côté tourmenté, voire même « souffrant » qui se pose des questions, peut-être sur lui-même, sur ses capacités… ou autre chose ? Quelle a été son enfance, sa vie personnelle ? Nous l’ignorons, mais un côté « blessé de la vie » subsiste chez lui.
Sa dernière lettre, datée de 1985, exprime une fatigue peut-être liée à l’âge, mais aussi à une anxiété ou une déception plus qu’à un découragement. Sa biographie en dirait plus.